Pourquoi l'IA fait-elle peur aux médecins ?

Published on
12/3/2024

Faut-il redouter l’ingérence de l’Intelligence artificielle dans la pratique médicale ? La machine va-t-elle remplacer le médecin ? Cette crainte exprimée par certains professionnels de santé est-elle légitime ? Revue des idées reçues, des analyses et des opinions pour y voir plus clair.


Idée reçue n°1 : L’Intelligence artificielle finira par remplacer les médecins

La crainte que la machine ne remplace l’homme et ne lui prenne son emploi n’est pas nouvelle. Elle remonte au début du XXe siècle et à l’automatisation des chaînes de production dans l’industrie. Un siècle plus tard, le bilan n’est finalement pas si déplorable : si l’avènement de l’automatisation a poussé la société à s’adapter, lorsque la machine remplace l’homme, c’est avant tout pour la réalisation des tâches les plus laborieuses. Et pour lui permettre de se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée.


L’Intelligence Artificielle peut-elle alors se substituer au médecin ? Dans certaines missions, à commencer par l’analyse de données telles que les radiographies et les tissus, assurément. Les logiciels qui soutiennent les radiologues dans l’interprétation de milliers de clichés chaque jour, et les applications d’IA qui aident les anatomopathologistes à détecter les cellules cancéreuses se déploient progressivement.

Pour autant, le temps où la machine viendra totalement remplacer le professionnel de santé est loin d’être venu. Car l’exercice de la médecine ne se résume pas à une analyse de données ou à quelques gestes techniques, qui pourraient en effet, à terme, être exclusivement effectués par des robots.

Un médecin ne s’attaque pas à une pathologie, il soigne un individu porteur de cette pathologie. L’orientation vers tel ou tel traitement pourra certes être soutenue par une intelligence artificielle qui aura assimilé et analysé une quantité de données impossible à traiter par le cerveau humain. Mais c’est bien le médecin qui prendra la décision finale. Et c’est bien lui qui, doté d’empathie, saura rassurer et conseiller son patient, et contribuer à une observance optimale de son traitement.


Idée reçue n°2 : L’IA va accélérer la pénurie d’offre de soins

Cette crainte est bien entendu liée à la première : si elle fait disparaître les médecins, l’IA risque d’accélérer la pénurie de praticiens déjà constatée dans de nombreux domaines ou territoires.

Au contraire pourtant, en libérant les professionnels de santé de certaines tâches particulièrement laborieuses et chronophages, et en facilitant la pratique de la médecine à distance, l’IA présentera un autre avantage dans les années à venir : permettre aux professionnels de santé de traiter davantage de patients et ainsi désenclaver certains territoires.

Ce sera le cas en Europe, mais aussi en Chine et dans les pays en voie de développement qui souffrent plus encore que sous nos latitudes d’une pénurie extrême de soignants. Le médecin, s’il n’effectuera plus certaines tâches, sera plus que jamais un acteur central du système de santé.

Idée reçue n°3 : Un bon médecin n’a pas besoin d’IA pour exercer son métier

Mémoriser de nouvelles nomenclatures, réaliser une veille continue des nouveaux travaux de recherches, analyser plusieurs dizaines de milliers de clichés : la multiplication des données à intégrer pour rester performant et au fait des dernières avancées médicales est telle qu’il est quasiment impossible, pour un praticien, d’éviter la surchauffe cérébrale et le stress.

En soulageant l’humain dans ces tâches fastidieuses, l’IA vient alors au secours de son intelligence.

Plus qu’une menace, elle peut alors être vue comme un partenaire : ses forces (à commencer par sa capacité illimitée à apprendre) contrebalancent les limites de l’homme (à commencer par sa capacité limitée à emmagasiner information et expérience).

L’IA devient un booster d’intelligence, elle offre à l’homme une intelligence augmentée. Et lui permet, encore une fois, de consacrer davantage de temps à des tâches typiquement humaines telles que la compréhension des symptômes, la pose du diagnostic, la définition du traitement ou encore l’écoute et l’empathie des patients.


Idée reçue n°4 : La technologie est moins fiable que l’homme

C’est un fait : l’intelligence artificielle est encore très (très) loin d’imiter l’intelligence humaine. D’ailleurs, si les algorithmes sont aujourd’hui capables de prendre certaines décisions, c’est uniquement lorsque les cas sont très simples, fréquemment rencontrés et absolument sans ambiguïté.

Pour que l’IA puisse raisonner, il faut que les données à partir desquelles elle réfléchit soient suffisamment complètes et représentatives de l’environnement dans lequel elles se déploient. Le jugement humain reste donc absolument indispensable pour compléter l’interprétation des mégadonnées. Mais cette intelligence continue d’évoluer. La puissance des serveurs informatiques aura été multipliée par 1000 d’ici à 2025. Elle sera multipliée par 1 million en 2035.

Si l’intervention de l’homme reste et restera encore longtemps absolument indispensable, reste que certaines applications d’IA se montrent déjà plus performantes que le cerveau humain : une expérience a par exemple démontré que l’IA est en mesure de détecter 50% de cas de caries dentaires supplémentaires que des dentistes expérimentés.


Idée reçue n°5 : L’IA représente un danger pour la société

Si l’on ne peut bien entendu pas totalement exclure, à terme, une perte de contrôle de l’IA et l’apparition de « rogue IA » (ou intelligences artificielles scélérates), ce scénario catastrophe n’est pas pour demain. Et, d’ici là, l’homme dispose encore de tous les moyens pour encadrer le développement de cette intelligence.

Car l’enjeu, lorsque l’on parle de santé, est bien entendu avant tout éthique. Comment protéger les données médicales, particulièrement sensibles, qui sont collectées pour nourrir l’apprentissage automatique ? Comment réguler le système sans pour autant brider son développement et donc empêcher les progrès scientifiques et sociétaux dont l’IA peut être à l’origine ?

Dans un livre blanc publié en 2018, le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) envisageait déjà les risques existants ou potentiels. Il soulignait notamment l’impossibilité d’analyser le raisonnement de la machine ayant abouti à un résultat. Parmi ses 33 recommandations, le CNOM invoquait notamment le recours à la « soft law », un système de droit souple qui permet de réguler un sujet de manière beaucoup moins rigide et lourde que l’encadrement législatif classique.

La protection des données est d’ailleurs un enjeu fort pour l’UE, qui doit proposer, au printemps 2022, un cadre pour les protéger. Parmi les pistes d’ores et déjà envisagées par des acteurs privés de l’IA : le développement d’une approche d’apprentissage fédéré, qui permet d’entraîner des algorithmes sur des données décentralisées, qui ne sortent jamais des sites où elles sont produites.

La recherche médicale avance alors de façon collaborative, pour les patients, et dans le plus strict respect de leurs données personnelles. Ainsi, explique Gilles Wainrib, co-fondateur de l’entreprise OWKIN, sur le site de l’Inserm, « on peut installer des machines haute performance dans un site – comme un hôpital – pour qu’elles apprennent à analyser ses données, puis prolonger leur apprentissage dans un second site si le premier n’a pas assez de données. Ainsi, la recherche médicale avance de façon collaborative, pour les patients, et dans le plus strict respect de leurs données personnelles. »


Idée reçue n°6 : l’IA reléguera le médecin au second plan

Pour être utile et utilisable, la technologie doit être convertie en applications pratiques. Si le médecin restera au centre de cette pratique médicale, c’est aussi parce qu’au final, l’enjeu ne réside pas dans la technologie mais dans ses usages.

S’ils accepteront d’être orientés et soutenus dans leur travail et leurs décisions par une analyse rapide et fine des données, les médecins garderont les manettes comme utilisateurs et resteront aptes à déterminer les meilleurs cas d’usages et à valider l’utilité clinique d’une innovation.

Pour Laurent Alexandre, chirurgien-urologue, neurobiologiste, également connu pour être fondateur de Doctissimo et dirigeant de DNAVision, à l’avenir, les médecins pourraient d’ailleurs tout à fait collaborer avec les GAFAM (comprenez les géants du web que sont Google, Apple, Facebook et Amazon).

Si le médecin ne disparaîtra pas, il devrait en revanche voir sa pratique quotidienne transformée.

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Faut-il redouter l’ingérence de l’Intelligence artificielle dans la pratique médicale ? La machine va-t-elle remplacer le médecin ? Cette crainte exprimée par certains professionnels de santé est-elle légitime ? Revue des idées reçues, des analyses et des opinions pour y voir plus clair.


Idée reçue n°1 : L’Intelligence artificielle finira par remplacer les médecins

La crainte que la machine ne remplace l’homme et ne lui prenne son emploi n’est pas nouvelle. Elle remonte au début du XXe siècle et à l’automatisation des chaînes de production dans l’industrie. Un siècle plus tard, le bilan n’est finalement pas si déplorable : si l’avènement de l’automatisation a poussé la société à s’adapter, lorsque la machine remplace l’homme, c’est avant tout pour la réalisation des tâches les plus laborieuses. Et pour lui permettre de se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée.


L’Intelligence Artificielle peut-elle alors se substituer au médecin ? Dans certaines missions, à commencer par l’analyse de données telles que les radiographies et les tissus, assurément. Les logiciels qui soutiennent les radiologues dans l’interprétation de milliers de clichés chaque jour, et les applications d’IA qui aident les anatomopathologistes à détecter les cellules cancéreuses se déploient progressivement.

Pour autant, le temps où la machine viendra totalement remplacer le professionnel de santé est loin d’être venu. Car l’exercice de la médecine ne se résume pas à une analyse de données ou à quelques gestes techniques, qui pourraient en effet, à terme, être exclusivement effectués par des robots.

Un médecin ne s’attaque pas à une pathologie, il soigne un individu porteur de cette pathologie. L’orientation vers tel ou tel traitement pourra certes être soutenue par une intelligence artificielle qui aura assimilé et analysé une quantité de données impossible à traiter par le cerveau humain. Mais c’est bien le médecin qui prendra la décision finale. Et c’est bien lui qui, doté d’empathie, saura rassurer et conseiller son patient, et contribuer à une observance optimale de son traitement.


Idée reçue n°2 : L’IA va accélérer la pénurie d’offre de soins

Cette crainte est bien entendu liée à la première : si elle fait disparaître les médecins, l’IA risque d’accélérer la pénurie de praticiens déjà constatée dans de nombreux domaines ou territoires.

Au contraire pourtant, en libérant les professionnels de santé de certaines tâches particulièrement laborieuses et chronophages, et en facilitant la pratique de la médecine à distance, l’IA présentera un autre avantage dans les années à venir : permettre aux professionnels de santé de traiter davantage de patients et ainsi désenclaver certains territoires.

Ce sera le cas en Europe, mais aussi en Chine et dans les pays en voie de développement qui souffrent plus encore que sous nos latitudes d’une pénurie extrême de soignants. Le médecin, s’il n’effectuera plus certaines tâches, sera plus que jamais un acteur central du système de santé.

Idée reçue n°3 : Un bon médecin n’a pas besoin d’IA pour exercer son métier

Mémoriser de nouvelles nomenclatures, réaliser une veille continue des nouveaux travaux de recherches, analyser plusieurs dizaines de milliers de clichés : la multiplication des données à intégrer pour rester performant et au fait des dernières avancées médicales est telle qu’il est quasiment impossible, pour un praticien, d’éviter la surchauffe cérébrale et le stress.

En soulageant l’humain dans ces tâches fastidieuses, l’IA vient alors au secours de son intelligence.

Plus qu’une menace, elle peut alors être vue comme un partenaire : ses forces (à commencer par sa capacité illimitée à apprendre) contrebalancent les limites de l’homme (à commencer par sa capacité limitée à emmagasiner information et expérience).

L’IA devient un booster d’intelligence, elle offre à l’homme une intelligence augmentée. Et lui permet, encore une fois, de consacrer davantage de temps à des tâches typiquement humaines telles que la compréhension des symptômes, la pose du diagnostic, la définition du traitement ou encore l’écoute et l’empathie des patients.


Idée reçue n°4 : La technologie est moins fiable que l’homme

C’est un fait : l’intelligence artificielle est encore très (très) loin d’imiter l’intelligence humaine. D’ailleurs, si les algorithmes sont aujourd’hui capables de prendre certaines décisions, c’est uniquement lorsque les cas sont très simples, fréquemment rencontrés et absolument sans ambiguïté.

Pour que l’IA puisse raisonner, il faut que les données à partir desquelles elle réfléchit soient suffisamment complètes et représentatives de l’environnement dans lequel elles se déploient. Le jugement humain reste donc absolument indispensable pour compléter l’interprétation des mégadonnées. Mais cette intelligence continue d’évoluer. La puissance des serveurs informatiques aura été multipliée par 1000 d’ici à 2025. Elle sera multipliée par 1 million en 2035.

Si l’intervention de l’homme reste et restera encore longtemps absolument indispensable, reste que certaines applications d’IA se montrent déjà plus performantes que le cerveau humain : une expérience a par exemple démontré que l’IA est en mesure de détecter 50% de cas de caries dentaires supplémentaires que des dentistes expérimentés.


Idée reçue n°5 : L’IA représente un danger pour la société

Si l’on ne peut bien entendu pas totalement exclure, à terme, une perte de contrôle de l’IA et l’apparition de « rogue IA » (ou intelligences artificielles scélérates), ce scénario catastrophe n’est pas pour demain. Et, d’ici là, l’homme dispose encore de tous les moyens pour encadrer le développement de cette intelligence.

Car l’enjeu, lorsque l’on parle de santé, est bien entendu avant tout éthique. Comment protéger les données médicales, particulièrement sensibles, qui sont collectées pour nourrir l’apprentissage automatique ? Comment réguler le système sans pour autant brider son développement et donc empêcher les progrès scientifiques et sociétaux dont l’IA peut être à l’origine ?

Dans un livre blanc publié en 2018, le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) envisageait déjà les risques existants ou potentiels. Il soulignait notamment l’impossibilité d’analyser le raisonnement de la machine ayant abouti à un résultat. Parmi ses 33 recommandations, le CNOM invoquait notamment le recours à la « soft law », un système de droit souple qui permet de réguler un sujet de manière beaucoup moins rigide et lourde que l’encadrement législatif classique.

La protection des données est d’ailleurs un enjeu fort pour l’UE, qui doit proposer, au printemps 2022, un cadre pour les protéger. Parmi les pistes d’ores et déjà envisagées par des acteurs privés de l’IA : le développement d’une approche d’apprentissage fédéré, qui permet d’entraîner des algorithmes sur des données décentralisées, qui ne sortent jamais des sites où elles sont produites.

La recherche médicale avance alors de façon collaborative, pour les patients, et dans le plus strict respect de leurs données personnelles. Ainsi, explique Gilles Wainrib, co-fondateur de l’entreprise OWKIN, sur le site de l’Inserm, « on peut installer des machines haute performance dans un site – comme un hôpital – pour qu’elles apprennent à analyser ses données, puis prolonger leur apprentissage dans un second site si le premier n’a pas assez de données. Ainsi, la recherche médicale avance de façon collaborative, pour les patients, et dans le plus strict respect de leurs données personnelles. »


Idée reçue n°6 : l’IA reléguera le médecin au second plan

Pour être utile et utilisable, la technologie doit être convertie en applications pratiques. Si le médecin restera au centre de cette pratique médicale, c’est aussi parce qu’au final, l’enjeu ne réside pas dans la technologie mais dans ses usages.

S’ils accepteront d’être orientés et soutenus dans leur travail et leurs décisions par une analyse rapide et fine des données, les médecins garderont les manettes comme utilisateurs et resteront aptes à déterminer les meilleurs cas d’usages et à valider l’utilité clinique d’une innovation.

Pour Laurent Alexandre, chirurgien-urologue, neurobiologiste, également connu pour être fondateur de Doctissimo et dirigeant de DNAVision, à l’avenir, les médecins pourraient d’ailleurs tout à fait collaborer avec les GAFAM (comprenez les géants du web que sont Google, Apple, Facebook et Amazon).

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